Print this page

Tristan Corbiere

Εικόνα του Tristan CorbiereΓάλλος ποιητής (1845-1875) με πραγματικό όνομα Edouard Joachim Corbiere. Πέρασε το μεγαλύτερο μέρος της ζωής του στη Βρετάνη, ζώντας μποέμικα και υποφέροντας από χρόνια ασθένεια. Το πάθος του για τη θάλασσα εκφράζεται στα πρώτα ποιήματα του Gens de mer [Άνθρωποι της θάλασσας], τα οποία μπήκαν στη συλλογή Les Amours jaunes [Οι κίτρινοι Έρωτες] (1873) απ' όπου και το ποίημα Insomnie [Αγρύπνια].

Το ύφος του Corbiere συνδυάζει ιδιωματισμούς με σύνθετη, προσωπική ευαισθησία και αντανακλά συνεχώς τον εσωτερικό του πόνο.

Οι υπερρεαλιστές συγγραφείς του 20ου αιώνα θα τον θεωρήσουν ως πνευματικό τους πατέρα.

 

 

 

 

Insomnie

1

Insomnie, impalpable Bête !

N'as-tu d'amour que dans la tête ?

Pour venir te pâmer à voir,

Sous ton mauvais oeil, l'homme mordre

Ses draps, et dans l'ennui se tordre !...

Sous ton oeil de diamant noir.

 

Dis : pourquoi, durant la nuit blanche,

Pluvieuse comme un dimanche,

Venir nous lécher comme un chien :

Espérance ou Regret qui veille.

A notre palpitante oreille

Parler bas... et ne dire rien ?

 

Pourquoi, sur notre gorge aride,

Toujours pencher ta coupe vide

Et nous laisser le cou tendu,

Tantales, soiffeurs de chimère :

- Philtre amoureux ou lie amère

Fraîche rosée ou plomb fondu ! -

2

Insomnie, es-tu donc pas belle ?...

Eh pourquoi, lubrique pucelle,

Nous étreindre entre tes genoux ?

Pourquoi râler sur notre bouche,

Pourquoi défaire notre couche,

Et... ne pas coucher avec nous ?

 

Pourquoi, Belle-de-nuit impure,

Ce masque noir sur ta figure ?...

- Pour intriguer les songes d'or ?...

N'es-tu pas l'amour dans l'espace,

Souffle de Messaline lasse,

Mais pas rassasiée encor !

 

Insomnie, es-tu l'Hystérie...

Es-tu l'orgue de barbarie

Qui moud l'Hosanna des Elus ?...

- Ou n'es-tu pas l'éternel plectre,

Sur les nerfs des damnés-de-lettre,

Raclant leurs vers - qu'eux seuls ont lus.

3

Insomnie, es-tu l'âne en peine

De Buridan - ou le phalène

De l'enfer ? - Ton baiser de feu

Laisse un goût froidi de fer rouge...

Oh ! viens te poser dans mon bouge ! ...

Nous dormirons ensemble un peu.